Je veux devenir photographe !


S’il est une phrase mille fois entendue par les confrères photographes, dans toutes les déclinaisons possibles, c’est bien celle là… Je veux devenir photographe !

Et pour cause : photographe est toujours dans les métiers préférés des français. Mais c’est aussi un métier en crise profonde. Je vais essayer de décrypter quelques causes de cette crise et vous éviter de faire des erreurs avant même votre première commande.  

 

Devenir photographe, un jeu d'enfant !
La photographie, ce jeu d’enfant.

Au studio, j’ai pris l’habitude d’inviter des confrères. Cela nous permet de parler, parfois très longuement, de notre métier. Parfois nous échangeons sur d’obscurs points techniques, parfois nous refaisons le monde. Toujours passionnantes, ces discussions ouvrent les perspectives de tous les collègues présents et nous repartons tous avec une certitude : nous faisons vraiment un beau métier. 

Mais il est un point qui revient souvent malgré nous. La création et la fermeture d’entreprises de nos métiers. La malédiction frappe souvent : tantôt chez nos sous-traitants ou prestataires, souvent parmi nos confrères. Charges, impôts, manque de formation, manque de travail personnel, maladie, erreurs stratégiques, manque de chance, sortilège lancé contre eux… Il y a mille et une raisons pour qu’une entreprise ne prenne pas le vent et qu’elle coule ! Et les statistiques sont sans appel : 50% d’entreprises ne fêteront pas leurs 5 ans en France. 

Mais comprenons-nous : je ne suis pas la pour dégouter les gens de devenir photographe. Je suis là pour essayer d’enrayer un mal qui gangrène peu à peu notre métier (et de nombreux autres!).

 

Chercher à vendre à tout prix…

Devenir photographe, un jeu d'enfant !
Salut ! Moi c’est Nino, amateur au grand coeur. J’aime travailler à perte car c’est ma passion.

Pour l’ensemble des amateurs de la planète, le but ultime est de faire de sa passion une activité rémunératrice. Et vous avez remarqué que j’utilise activité rémunératrice au lieu de métier ! En effet, nombre de personnes payées une misère pour des photographies passables sont trop fières de se présenter comme photographe, photographe indépendant ou freelance pour accepter la vérité. Ils sont exploités par un système qui les prend pour des imbéciles au dernier degré.

Et oui, accepter un prix dérisoire pour une prestation c’est être exploité. Celle la même que vous avez de grandes chances de rater gentiment faute de compétence et d’expérience. Alors oui, on peut se cacher derrière mille excuses tièdes. La vérité est bien glacée : vous êtes exploités et vous le serez toute votre carrière de photographe si vous ne vous réveillez pas rapidement. J’ajouterai sans détour : si votre carrière dure plus que quelques années… Alors effectivement, vous avez un reflex chèrement acquis autour du cou et ne livrez pas pour Hubert Hitsse. Mais vous êtes exactement dans le même cas. Un jour, lassé de vous faire exploiter, vous demanderez d’être mieux payé. A ce moment précis, votre interlocuteur vous remplacera par le premier venu acceptant des conditions de rémunération identiques voir inférieures… La qualité de votre production ou votre sympathie n’étant pas le moteur d’achat, le client se rabat sur une autre offre plus intéressante pour lui : la moins chère.

Florilège des excuses tièdes

Je reviens rapidement sur ce que j’appelle des excuses tièdes pour vous en donner un florilège façon questions-réponses :

-Mon matériel me coute cher, autant le rentabiliser.

Alors oui, le matériel photo coute cher.  Surtout quand on est amateur et qu’on s’équipe comme un pro… Mais ma voiture est pas donnée et c’est pas pour autant que je suis devenu chauffeur VTC. D’ailleurs j’ai pas non plus ouvert de restaurant quand j’ai changé de four. Et je n’ai pas encore ouvert de cinéma suite à ma souscription à Netflix ! Une passion n’a pas à être rentable. Et vous n’êtes pas obligés de vous équiper de matériel dernier cri en vendant un rein !

-Oui, mais je ne fais ça que 5 fois par an, ça n’a pas d’incidence sur le marché local.

Mais comme vous êtes des dizaines à penser ne pas avoir d’incidence sur les marchés locaux, ça fout la pagaille. Si si…

-J’ai besoin d’argent.

Vendre 10 fois moins cher une prestation ne permet pas de mieux vivre. D’autant qu’avec le temps votre réputation va lentement vous aliéner les clients susceptibles de vous payer correctement…

-C’est juste une activité à-côté…

Comprenons-nous, une activité indépendante n’a jamais été quelque chose de léger ou de facile. Il faut connaitre la fiscalité, la législation, la gestion et tout ce qu’un… entrepreneur doit savoir faire. Que vous soyez auto-entrepreneur ou gérant d’une SARL, oublier le droit à l’image ou négliger les cotisations sociales amène les mêmes problèmes… Devenir photographe, comme toute activité indépendante, demande un investissement personnel important à côté de l’activité en elle même.

 

Le syndrome Hikéya

Le principal souci auquel doivent faire face les jeunes entrepreneurs est ce que je qualifierai de syndrome Ikea. Je m’explique : à force d’avoir joué la concurrence à fond les manettes, les grands groupes populaires ne jouent plus que sur l’écrasement systématique des prix et axent leur communication sur ces derniers. Demandez à vos proches combien coute une table. Ou un canapé convertible. Nul doute que les prix seront le reflet de ces grandes enseignes et pas celui de l’artisan local. Maintenant dites leur le juste prix dudit artisan local et ils feront une moue horrifiée. Bingo

Impossible de revenir en arrière ? Je ne crois pas. Tout le monde connait la qualité de ces produits et on s’en excuse même parfois : « C’était pas cher, mais bon, on sait que ça durera pas… » « Quand on aura les moyens, on prendra une – vraie – bibliothèque »…

Mais revenons à la photographie…

Un jeune – appelons-le Benoît – s’installe très rapidement à son compte et se retrouve devant la problématique de poser ses prix. Il veut travailler alors il fait comme Leuklairh, il fait moins cher que les confrères. Pas de bol, le photographe le plus prolixe sur ses prix est pas forcément le meilleur du coin et encore moins le plus cher… Bref, Benoît prend les prix et les coupe en deux. Paf ! Avec ça, c’est sûr qu’il aura du travail. Mais le temps passe et finalement, pas de richesse à l’horizon. Alors il s’entête sur cet unique axe. Il propose des réductions, puis des soldes, puis des black friday monday saturday, puis des offres spéciales.

En bref, Benoît pète les prix. Ce n’est pas une contrepèterie douteuse mais un constat. Au bout de quelques années, las de voir que n’importe quel job salarié au SMIC est plus rémunérateur, il arrête. Enfin pas tout à fait. Car Benoît aime l’aura fabuleuse du photographe artiste ténébreux qui vit mal de l’art, vois-tu ? Donc il continuera de faire une ou deux prestations sous le manteau. Il jugera que le « marché » n’était pas prêt pour lui, que c’est pas sa faute et qu’il est le futur artiste qui va percer mais pas ce soir, demain c’est réunion à 8h00 au travail, le vrai (sic). Celui qu’il quittera dès qu’il sera prêt à redevenir un entrepreneur, promis juré !

…qui s’enfonce gentiment.

Entre temps, Victor, Sylvie et Marc auront eux aussi lancé leurs entreprises à quelques mois ou années d’écart. Le premier aura prix les prix réduits à -50% de Benoît pour les réduire. Sylvie aura pris ceux de Victor et Marc ceux de Sylvie. Bref, la concurrence aveugle aura fait son job. Le « marché » sera arrivé à un prix affiché de 100€ le reportage de mariage professionnel, tout compris, of course.

 

Quand Hyoubert vient à la noce

Devenir photographe, un jeu d'enfant !
Fermons les yeux sur ces basses considérations pécuniaires… Je travaille par amour de la photographie !

Mais arrive Hyoubert – prononcez Ioubeurth’ –. Lui, il aime penser à des trucs disturbants les marchés. Et le marché de la photo, il y connait rien. Il a vu les sites de Sylvie de Victor et de Marc. Il a eu une idée. Alors il a tout importé dans un excel et  a vite compris que si il marketait bien leur travail, il pourrait prendre une marge dessus. D’autant qu’ils ont l’air bien neuneus en gestion, donc de là à leur proposer des salaires indexés sur le prix du vent à la bourse de Yellow Brick Road, il devrait se faire une rente annuelle pas dégueulasse. Bref Hyoubert va leur proposer un travail encore moins payé, mais régulier ! Et plus ils vont travailler pour sa plate-forme, moins ils seront payés*. Elle est pas belle la life ?

*Anecdote terrifiante mais vraie. Une confrère a volontairement joué le jeu d’une plate-forme de mise en relation aux tarifs ridicules pour voir et se documenter sur l’envers du décor. Cette dernière appliquait un abattement de 20% quand elle vous amenait 5 prestations…

5 x prestations ridicules à 3 kopecks = 12 kopecks… Ne cherchez pas, c’est l’avenir on vous dit !

Pour les plus têtus, sachez que ce genre de deal à une pérennité aléatoire. Lorsque Déli-Vayrou a quitté l’Allemagne du jour au lendemain, ils ont avertis leurs équipes des bureaux et leurs livreurs du lundi…pour le vendredi ! 1200 personnes au total quand même… Pas assez disruptif, mon fils.

Un nouvel espoir

 

Devenir photographe, un jeu d'enfant !

Ok, je voulais juste reprendre le titre du premier vrai Star Wars pour faire jeune et branché et alors ?  Je pense sincèrement que la photographie est un métier merveilleux. Je m’épanouis tous les jours un peu plus grâce à lui !

Comme je vous le disais dans l’introduction, j’ai énormément parlé avec mes confrères. Je n’ai jamais vu deux parcours identiques ! Cependant une chose a surnagé dans tous les échanges. A un moment donné, chacun a été en contact avec un photographe et/ou un entrepreneur expérimenté qui l’a aidé. En apprentissage, pendant un stage de formation, lors d’un salon professionnel, au cours une conférence… Le quand et le comment importent peu. Mais le message reste le même.

Le Lagoarde contre-attaque

Pour ma part j’ai été un jour dans la précarité, mal renseigné et mal aiguillé. J’ai voulu devenir photographe tôt, probablement un peu trop tôt. Après une paire d’années compliquées, j’ai été invité par un photographe à venir boire le café. J’ai immédiatement pensé que la démarche était malintentionnée, qu’il cherchait à me soutirer quelque information sous couvert de sympathie. Mais il en était rien. Il m’a parlé longuement et m’a invité à venir participer à une réunion du syndicat des photographes local. J’étais un jeune con arrogant et sans lui j’aurais surement fini par couler mon entreprise… Aujourd’hui je suis content quand il récupère un appel d’offre auquel j’ai aussi répondu car je sais que le client est entre les mains d’un professionnel compétent.

Peut être est-ce là une clé : dans un monde où tout est fait pour que les entreprises se tirent la bourre aveuglément, il n’y a plus d’échange serein entre professionnels d’un même secteur. Et tout le secteur en pâtit. Mais surtout les clients, qui perdent forcément en qualité de service et en repères forts vis à vis du métier.

Jeunes photographes, jeunes entrepreneurs, je sais que la démarche est dure, mais ne vous laissez pas arnaquer par les sirènes du cassage de prix et du chacun pour soi. Des groupements professionnels existent et permettent de se former, d’être conseillé et de grandir tant professionnellement qu’humainement. 

La FFPMI est un groupement professionnel qui défend les droits des photographes professionnels. Pour les photographes auteurs, l’UPP fait un grand travail de protection du métier.

 

Mais alors, comment devenir photographe indépendant (et ne pas se planter…) ?

La Fontaine disait vrai

Vous souvenez-vous de la fable le lièvre et la tortue ?

En entrepreneuriat, on vend souvent la belle histoire du visionnaire qui a sauté sur une idée géniale et patatra : millionnaire. On omet souvent –pour le côté grandiose, voyez vous – que le visionnaire a souvent planté 2 projets, fait une quantité indécente de tableaux excel compliqués et passé quelques nuits blanches à douter et à chercher les failles de son propre projet. Une fois ce projet maturé et préparé avec soin, il s’y est lancé corps et âme…

Nous sommes victimes d’un monde où le storytelling est omniprésent. Il faut donc lire entre les lignes ces histoires merveilleuses de self made men dont le succès immédiat et spectaculaire n’est du qu’à un froncement de sourcils déterminé.

Un projet professionnel se prépare minutieusement. Il doit être mis à l’épreuve des scenarii les plus pessimistes en amont pour être viable à long terme ! Et ce projet, pour nous autres photographes, est 100% lié à notre propre personne. Serons nous de bons professionnels ? Des gérants compétents ? Des négociateurs avertis ? etc

Se former avant

Alors oui, en premier lieu il faut être formé à son métier. Solidement. Hors de question de proposer des prestations que l’on sait ne pas pouvoir gérer et bâcler sur le tas un truc baveux… Que nenni ! Il faut s’entrainer patiemment et attendre de produire des visuels de qualité répondant aux attentes des clients. Car vos clients ne vous demanderont pas de faire votre apprentissage sur leurs photos de mariage ou d’entreprise… mais de produire un contenu qualitatif et régulier. Devenir photographe (un bon) c’est un travail de chaque instant. Chaque jour, chaque semaine, chaque mois et année après année.

 

Conclusion : « je veux devenir photographe » (ou illustrateur, graphiste, artisan…)

Il est évident que nombre de professionnels indépendants des métiers artistiques et artisanaux me diront que « je veux devenir photographe » est valable pour leur métier. Et c’est vrai à 1000%. Je l’ai constaté dans la communication graphique, l’illustration et l’organisation événementielle… N’oubliez jamais que tout se joue avec l’éducation et la pédagogie ! Jouer les gros bras envers un.e confrère / consoeur est imbécile et cela n’amènera qu’un phénomène d’opposition plus farouche encore ! N’hésitez pas à partager cet article si il vous semble pertinent, à me contacter si vous souhaiter y ajouter votre point de vue.

 

 

 


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